samedi 29 septembre 2012

L’Afrique, un marché moteur ?


Forte de l’une des croissances les plus rapides du monde (5,8% par an entre 2002 et 2008 et 3,7% en 2011), de managers locaux de plus en plus qualifiés, de plus d’un milliard d’habitants, d’un climat des affaires en amélioration constante, l’Afrique semble s’éveiller à son potentiel immense et revendique de prendre son destin en main.

Cependant, les exportateurs français ne semblent pas toujours convaincus par ces perspectives offertes et c’est souvent avec réticence et inquiétude qu’ils en parlent. Embarrassés par quelques images archaïques du continent et de vieux archétypes de relations avec leurs amis africains, ils préfèrent penser à d'autres «eldorados» plus lointains comme la Chine, pays-continent à lui seul.

Il est vrai qu’à côté des fantastiques progrès enregistrés, des menaces continuent de peser sur le continent africain. Mais n’y aurait-t-il pas lieu de les considérer comme des opportunités pour les entreprises qui peuvent apporter leurs solutions: besoins d’infrastructures, de formation du capital humain, d’amélioration de la santé, d’acquisition ou de développement de technologies, de développement des énergies, de protection ou amélioration d’exploitation des ressources naturelles, etc.

L’Afrique a pris des engagements envers ses bailleurs de fonds internationaux de mener une industrialisation « propre », de développer une agriculture biologique, et s’oriente vers l’utilisation de sources énergétiques durables telles que la biomasse, le soleil, l’hydraulique et le vent.

Il est aussi encourageant de considérer la part croissante des populations qui améliorent leur niveau de vie et aspirent à l’acquisition de nouveaux biens, avec 35% de population urbaine (qui devrait passer à 50% en 2030 sur tout le continent), 44% de la population en dessous de 15 ans et la perspective de 2 milliards d’habitants à l’horizon 2050 (25% de plus et avec un territoire trois fois plus grand que la Chine à la même date).

Une part extraordinaire de croissance s’est faite pour les nouvelles technologies dont l’utilisation a apporté la preuve que l’Afrique n’était pas rétive au progrès et savait s’adapter à une vitesse éclair lorsque l’on voulait bien répondre à ses besoins (exemple : l’utilisation exponentielle des services de paiement par téléphone portable).

Certes, l’Afrique n’est pas à regarder comme un seul marché et les données d’ensemble ne doivent pas occulter les dissemblances existantes entre pays. Le Nigeria en pleine effervescence économique avec ses 170 millions d’habitants, n’a pas grand chose à voir avec l’Ethiopie. La moitié des 54 pays a moins de 10 millions d’habitants. La croissance forte citée plus haut concerne néanmoins une quarantaine de pays qui restent très différents en termes de langues, d’ethnies, de cultures et de niveaux de développement.

Les pays développés, dont la France, ont régulièrement procédé à des annulations de dettes et s’orientent vers l’appui aux transformations structurelles durables nécessaires à provoquer un encouragement pour les affaires dans un juste équilibre avec les enjeux sociaux et environnementaux.

Mais attention, la concurrence est rude. La Chine est maintenant devenue le premier partenaire commercial du continent et consolide ses positions en devenant également le premier pourvoyeur de fonds. Les américains augmentent leur présence même dans des petits pays comme le Ghana en offrant une approche concrète de « Trade and not Aid » (« du commerce plutôt que de l’aide »). L’Inde et le Brésil multiplient les accords de partenariats et d’échanges de « savoir-faire » et de marchandises avec des expatriés Sud-Sud.
La situation géographique de la France, son histoire et la langue qu’elle partage avec un grand nombre de pays africains, lui ont donné jusqu’ici une position privilégiée dont elle a abusée diront certains. L’enjeu n’est pas seulement de préserver les parts de marchés acquises par nos entreprises françaises, mais aussi et surtout de ne pas être balayé par les vents puissants de la mondialisation et de réinventer les partages avec nos voisins pour le développement d’un monde en paix pouvant répondre à ses besoins.

Ouvrage recommandé pour rester « afro-optimistes » : « Le temps de l’Afrique » (Editions Odile Jacob) par Olivier Ray et Jean-Michel Severino (ancien Directeur Général de l’Agence Française pour le Développement- AFD)